Cour de cassation, le 21 janvier 2025, Pourvoi n° 22-87.145.
À retenir :
Dans cet arrêt, la Cour de cassation énonce que les dirigeants d’une société peuvent être sanctionnés pénalement pour avoir commis un « harcèlement moral institutionnel ».
- Une politique d’entreprise conduisant, en toute connaissance de cause, à la dégradation des conditions de travail des salariés peut caractériser un harcèlement moral institutionnel justifiant la sanction pénale des dirigeants la mettant en œuvre.
- Ce procès a introduit la notion juridique de harcèlement moral institutionnel.
Pour aller plus loin :
Sources :
Décision - Pourvoi n°22-87.145 | Cour de cassation
Article 222-33-2 - Code pénal - Légifrance
Souffrance au travail : la Cour de cassation conforte le harcèlement moral institutionnel | CFDT
Faits :
Un syndicat dépose plainte contre un employeur et trois de ses dirigeants, pour harcèlement moral envers 39 salariés, à la suite de la mise en œuvre d’une politique d’entreprise reposant sur une réduction des effectifs.
- Le Tribunal correctionnel :
Juge l’employeur et trois de ses dirigeants coupables de harcèlement moral et de complicité sur la période entre janvier 2007 et décembre 2008.
- La Cour d’appel :
Confirme le jugement du Tribunal correctionnel.
Elle juge que les décisions d’organisation prises dans un cadre professionnel peuvent, dans un contexte particulier, être source d’insécurité permanente pour tout le personnel et devenir alors harcelants pour certains salariés.
L’employeur et trois de ses dirigeants forment un pourvoi en cassation.
- La réponse de la Cour de cassation :
Elle rejette leurs pourvois.
Les agissements visant à mettre en œuvre une politique d’entreprise, qui a pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif managérial, économique ou financier susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, peuvent caractériser un harcèlement moral institutionnel.
Elle précise que :
« 25. Le harcèlement moral institutionnel a été défini par l'arrêt attaqué, par motifs adoptés, comme des agissements définissant et mettant en œuvre une politique d'entreprise ayant pour but de structurer le travail de tout ou partie d'une collectivité d'agents, agissements porteurs, par leur répétition, de façon latente ou concrète, d'une dégradation, potentielle ou effective, des conditions de travail de cette collectivité et qui outrepassent les limites du pouvoir de direction.
26. Les juges ont encore défini la politique d'entreprise comme la politique principale des ressources humaines, composante de la politique générale de la société, déterminée par la ou les personnes qui ont le pouvoir et la capacité de faire appliquer leurs décisions aux agents et de modifier les comportements de ceux-ci.
(…)
29. L'article 222-33-2 du code pénal, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite loi de modernisation sociale, incrimine le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
30. Ce texte distingue ainsi les agissements qui ont pour objet une dégradation des conditions de travail de ceux qui ont un tel effet.
31. La caractérisation des agissements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail suppose que soient précisément identifiées les victimes de tels agissements. En revanche, lorsque les agissements harcelants ont pour objet une telle dégradation, la caractérisation de l'infraction n'exige pas que les agissements reprochés à leur auteur concernent un ou plusieurs salariés en relation directe avec lui ni que les salariés victimes soient individuellement désignés. En effet, dans cette hypothèse, le caractère formel de l'infraction n'implique pas la constatation d'une dégradation effective des conditions de travail. »